6 Mali
6.1 Introduction
Le Mali, vaste pays sahélien enclavé, se caractérise par une extrême diversité écologique nord-sud. Du désert saharien au nord jusqu’aux savanes plus humides du sud, en passant par les zones de transition agropastorales du centre, le territoire malien est profondément marqué par des dynamiques climatiques contrastées, une pression anthropique croissante, et une forte vulnérabilité environnementale.
Dans ce chapitre, nous mobilisons trois indices spectraux avancés, issus d’images satellites, afin de caractériser les grands gradients écologiques du Mali en 2024 et d’identifier les zones les plus résilientes ou les plus fragiles du territoire :
Le EVI (Enhanced Vegetation Index) permet de mesurer la productivité végétale en améliorant les performances du NDVI dans les zones à forte densité ou à forte réflexion atmosphérique. Il est plus sensible aux variations de la végétation dense et moins saturé dans les zones forestières, ce qui en fait un outil de choix pour évaluer les écosystèmes végétalisés du sud du pays ;
Le FAI (Fire Affected Index) est utilisé comme un indicateur de stress thermique ou post-incendie. Il détecte les zones exposées à une chaleur résiduelle, à des brûlis agricoles ou à des épisodes de feu naturel ou anthropique, permettant de repérer les espaces fortement perturbés ;
Le ANDWI (Atmospherically Normalized Difference Water Index) quant à lui est une version corrigée atmosphériquement du NDWI, sensible à la présence d’eau libre ou d’humidité de surface, même en faibles concentrations. Il est adapté à la détection des zones humides résiduelles, des zones agricoles irriguées ou des vallées fluviales, comme celles du delta intérieur du Niger.
Chacun de ces indices a été traité à partir de rasters satellitaires haute résolution, puis agrégé par région administrative afin d’en faciliter l’interprétation cartographique. À travers une combinaison de cartes interactives, de tableaux de synthèse et d’analyses régionales, ce chapitre offre une lecture intégrée des dynamiques végétales, thermiques et hydriques du Mali.
Il constitue également un socle analytique pour comprendre les transformations environnementales contemporaines du territoire malien, et pour nourrir les réflexions sur les politiques de gestion durable, d’adaptation climatique et de sécurisation des ressources naturelles.
6.2 Végétation – EVI
Le EVI (Enhanced Vegetation Index) est une amélioration du NDVI développée pour mieux mesurer la productivité végétale, en particulier dans les zones à forte densité de végétation ou dans les environnements perturbés par l’atmosphère. Contrairement au NDVI, l’EVI est moins sensible à la saturation dans les forêts denses, et il corrige les effets liés à la réflectance atmosphérique, aux ombres et aux variations du sol.
Ses valeurs sont également comprises entre –1 et +1, mais dans les écosystèmes naturels, elles se situent généralement entre 0 (absence de végétation) et 0.8 ou plus (végétation dense et active). Certains produits raster l’expriment sous une échelle multipliée (ex. ×10 000), ce que nous avons corrigé ici.
Dans le cas du Mali, nous avons extrait les valeurs moyennes de l’EVI pour l’année 2024 à partir d’images satellitaires haute résolution, puis nous les avons agrégées par région administrative. Ces données permettent de cartographier la densité végétale sur l’ensemble du territoire, en révélant les différences entre les zones sahariennes, sahéliennes et soudaniennes.
6.2.1 Carte interactive de l’EVI au Mali en 2024
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6.2.2 Tableau de la répartition de l’EVI au Mali en 2024
Moyennes régionales de l’EVI | |
Mali – Année 2024 | |
Région | EVI |
---|---|
Kayes | 0.26 |
Koulikoro | 0.24 |
Sikasso | 0.30 |
Ségou | 0.21 |
Mopti | 0.18 |
Tombouctou | 0.09 |
Gao | 0.10 |
Kidal | 0.08 |
Bamako | 0.16 |
Menaka | 0.10 |
6.2.3 Analyse des résultats
L’analyse zonale de l’EVI permet de :
- Évaluer la densité et la vigueur de la végétation verte, en particulier dans les zones à végétation dense,
- Repérer les régions à fort potentiel agricole ou forestier,
- Identifier les zones arides ou désertiques présentant une couverture végétale minimale,
- Suivre les dynamiques écologiques entre les zones sahariennes, sahéliennes et soudaniennes.
Au Mali, les valeurs de l’EVI en 2024 s’étendent de 0.08 à 0.30, traduisant une faible à modérée densité de végétation sur l’ensemble du territoire. Ce spectre confirme l’influence forte du gradient climatique nord-sud.
Les valeurs les plus élevées sont observées dans la région de Sikasso (0.30), suivie de Kayes (0.26) et Koulikoro (0.24). Ces régions du sud et de l’ouest du pays sont connues pour leur climat plus humide, leur activité agricole soutenue et une couverture végétale plus continue, notamment dans les zones de cultures pluviales, de savanes arborées ou de forêts-galeries.
Les valeurs intermédiaires, comprises entre 0.16 et 0.21, se situent dans les régions de Ségou (0.21) et Bamako (0.16). Ces zones présentent une végétation plus fragmentée, liée à une occupation du sol plus urbaine ou agropastorale, mais conservent une certaine activité végétale grâce aux zones irriguées (Office du Niger, périmètres maraîchers).
Les valeurs les plus faibles, inférieures à 0.15, se concentrent dans les régions sahéliennes et sahariennes : Gao (0.10), Ménaka (0.10), Tombouctou (0.09), et Kidal (0.08). Ces valeurs traduisent une quasi-absence de couverture végétale, compatible avec la prédominance de milieux désertiques, une aridité structurelle, et une végétation localisée essentiellement le long des oueds, oasis ou zones fluviales ponctuelles.
Globalement, la distribution spatiale de l’EVI au Mali en 2024 illustre avec clarté la transition écologique du nord aride au sud végétalisé. Ce gradient est essentiel pour orienter les politiques d’aménagement du territoire, de gestion de l’eau et de planification agricole, dans un pays fortement exposé à la variabilité climatique et à la dégradation des terres.
6.3 Santé de la végétation – FAI
Le FAI (Fire Affected Index) est un indice spectral utilisé pour détecter les zones affectées par des événements thermiques extrêmes, comme les feux de végétation, les brûlis agricoles, ou encore les stress thermiques sévères liés à la dégradation des sols. Dans des contextes sahéliens et semi-arides comme celui du Mali, le FAI est particulièrement pertinent pour repérer les signes avancés de stress écologique, notamment dans les régions exposées à des températures élevées et à la raréfaction de la couverture végétale.
Le FAI repose sur une combinaison de bandes du spectre optique, notamment l’infrarouge proche et l’infrarouge moyen (SWIR), qui permettent de différencier les zones saines des zones touchées par des perturbations thermiques. Contrairement aux indices végétatifs classiques qui évaluent la verdure, le FAI s’intéresse aux signaux spectrales d’altération ou de brûlure, rendant visible ce qui ne l’est pas à l’œil nu.
Dans le cas du Mali, nous avons extrait les valeurs moyennes du FAI pour l’année 2024, issues de rasters satellites haute résolution, puis agrégé ces données par région administrative. Cette approche permet de localiser les territoires les plus affectés par des stress thermiques ou des pratiques de brûlis, et de mieux cibler les actions de restauration écologique et de surveillance environnementale.
###️ Carte interactive du FAI au Mali en 2024
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6.3.1 Tableau de la répartition du FAI au Mali en 2024
Moyennes régionales du FAI | |
Mali – Année 2024 | |
Région | FAI |
---|---|
Kayes | −0.14 |
Koulikoro | −0.17 |
Sikasso | −0.14 |
Ségou | −0.18 |
Mopti | −0.19 |
Tombouctou | −0.19 |
Gao | −0.22 |
Kidal | −0.21 |
Bamako | −0.07 |
Menaka | −0.19 |
6.3.2 Analyse des résultats
L’indice FAI permet d’identifier les zones affectées par des perturbations thermiques telles que les feux de brousse, les brûlis agricoles, ou plus généralement les stress écologiques sévères. Des valeurs plus négatives du FAI indiquent une affectation thermique plus marquée, souvent liée à une altération du couvert végétal, à la sécheresse, ou à une dégradation active des sols.
Au Mali, les valeurs du FAI en 2024 s’échelonnent de –0.07 à –0.22, suggérant un niveau globalement modéré à élevé de stress thermique, avec des disparités géographiques notables.
Les valeurs les moins négatives, et donc les zones les moins affectées, se trouvent dans la région de Bamako (–0.07), suivie de Kayes (–0.14) et Sikasso (–0.14). Cela peut s’expliquer par une végétation relativement plus stable, une occupation urbaine prédominante (dans le cas de Bamako), ou une intensité moindre des feux et du stress thermique.
Les valeurs intermédiaires, autour de –0.17 à –0.19, concernent les régions de Koulikoro, Ségou, Mopti, Tombouctou, Ménaka, et Kidal. Ces territoires se caractérisent par une végétation discontinue, une vulnérabilité climatique élevée, et des pratiques de brûlis fréquentes. Ils présentent des signes clairs de dégradation thermique, souvent accentués par la faible humidité et la pression anthropique.
Les valeurs les plus négatives, représentant les zones de stress les plus sévères, sont observées dans la région de Gao (–0.22). Cette valeur suggère une intensité thermique particulièrement élevée, probablement liée à une combinaison de facteurs climatiques extrêmes, de perte de végétation, et de dégradation des sols.
Globalement, la carte du FAI reflète bien le gradient nord-sud du stress environnemental au Mali. Le centre et le nord du pays apparaissent comme les zones les plus affectées par les perturbations thermiques, tandis que le sud-ouest (Kayes, Sikasso) et la capitale (Bamako) présentent une situation plus stable. Ces résultats sont précieux pour cibler les zones prioritaires de restauration écologique, de prévention des feux, et d’adaptation aux conditions extrêmes.
6.4 Eau et humidité – ANDWI
Le ANDWI (Atmospherically Normalized Difference Water Index) est une variante atmosphériquement corrigée du NDWI, spécialement conçue pour détecter la présence d’eau libre ou d’humidité de surface dans les environnements semi-arides ou sahéliens. Il permet de compenser les effets atmosphériques, souvent présents dans les régions poussiéreuses ou peu couvertes, afin de mieux localiser les zones humides réelles.
L’ANDWI est calculé à partir des bandes vertes et infrarouges proches du spectre satellite, en ajustant le signal pour minimiser l’impact des particules en suspension. Il est couramment utilisé pour identifier les zones d’eau saisonnières, les cultures irriguées, les bas-fonds, ou encore pour suivre les dynamiques hydrologiques dans les deltas et plaines alluviales.
Dans le cas du Mali, les valeurs moyennes du ANDWI pour l’année 2024 ont été extraites à partir d’images satellites haute résolution, puis agrégées par région administrative. Cet indice permet d’identifier les zones potentiellement favorables à l’agriculture irriguée, de surveiller les réserves hydriques superficielles, et d’évaluer la vulnérabilité hydrique régionale dans un pays où l’accès à l’eau conditionne fortement la résilience socio-environnementale.
6.4.1 ️ Carte interactive de l’ANDWI au Mali en 2024
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6.4.2 Tableau de la répartition de l’ANDWI au Mali en 2024
Moyennes régionales du ANDWI | |
Mali – Année 2024 | |
Région | ANDWI |
---|---|
Kayes | −0.427 |
Koulikoro | −0.427 |
Sikasso | −0.464 |
Ségou | −0.399 |
Mopti | −0.376 |
Tombouctou | −0.322 |
Gao | −0.350 |
Kidal | −0.331 |
Bamako | −0.329 |
Menaka | −0.334 |
6.4.3 Analyse des résultats
L’indice ANDWI permet d’évaluer la présence d’humidité à la surface du sol, en corrigeant les effets atmosphériques souvent présents dans les milieux semi-arides. Des valeurs moins négatives indiquent une meilleure disponibilité en eau, tandis que des valeurs plus fortement négatives traduisent une moindre humidité des sols et surfaces, révélant potentiellement un stress hydrique accru.
En 2024, les valeurs de l’ANDWI au Mali varient de –0.3 à –0.464, ce qui indique une humidité globalement faible à très faible à travers l’ensemble du territoire, avec cependant des différences régionales significatives.
Les valeurs les moins négatives, traduisant une teneur en eau relativement plus élevée, sont observées dans : - Bamako (–0.300), - Tombouctou (–0.322), - Kidal (–0.331).
Dans le cas de Bamako, cela peut s’expliquer par une présence d’infrastructures irriguées, de surfaces urbanisées retenant l’humidité, ou d’espaces verts. Les cas de Tombouctou et Kidal peuvent sembler contre-intuitifs mais pourraient être liés à des zones humides localisées, comme les berges du fleuve Niger ou des oasis résiduelles.
Les valeurs intermédiaires, autour de –0.35 à –0.40, sont relevées dans des régions comme Gao (–0.350), Mopti (–0.376), et Ségou (–0.399). Ces régions, situées dans la zone sahélienne centrale, présentent des contrastes hydriques forts, avec des zones plus humides liées au réseau fluvial et des étendues très sèches autour.
Les valeurs les plus fortement négatives, signalant une humidité de surface très faible, concernent : - Kayes (–0.427), - Koulikoro (–0.427), - Sikasso (–0.464).
Cela peut surprendre pour Sikasso, habituellement considérée comme une région plus humide, mais cela peut s’expliquer par la période de l’année au moment de l’observation (fin de saison sèche) ou par des dynamiques d’évapotranspiration élevées dans des sols cultivés.
Globalement, cette carte du ANDWI révèle une teneur hydrique très faible dans la majorité des régions maliennes en 2024, ce qui confirme la fragilité hydrologique du pays, y compris dans certaines zones agricoles du sud. Ces résultats justifient l’importance d’un suivi continu de l’humidité des sols, en appui aux décisions agricoles, à la gestion de l’eau et aux programmes d’adaptation climatique.
6.5 Conclusion
À travers l’étude combinée de l’EVI , du FAI et du ANDWI, ce chapitre a permis de dresser un état des lieux environnemental spatialement différencié du Mali en 2024. Les résultats révèlent un pays marqué par une forte hétérogénéité écologique, où se confrontent zones de résilience végétale, espaces dégradés et territoires soumis à un déficit hydrique chronique.
L’indice EVI met en évidence une productivité végétale plus élevée dans le sud du pays, notamment dans la région de Sikasso, qui conserve une activité biologique importante. À l’inverse, les régions sahariennes du nord présentent une végétation quasi absente, soulignant la sévérité des conditions climatiques et l’aridité structurelle.
L’analyse du FAI révèle un stress thermique généralisé, avec des niveaux particulièrement élevés dans les régions de Gao, Kidal, Mopti et Ménaka, traduisant une fragilité écologique avancée, possiblement liée à la combinaison de sécheresse, feux de brousse, et usage intensif des sols.
Enfin, l’indice ANDWI, centré sur la détection d’humidité de surface, confirme une teneur hydrique très faible dans l’ensemble du territoire, y compris dans certaines régions traditionnellement plus favorables comme Sikasso ou Koulikoro. Cette tendance signale un affaiblissement des réserves hydriques superficielles, posant un risque pour l’agriculture pluviale et la sécurité alimentaire.
Dans l’ensemble, ce chapitre met en lumière la complexité écologique du territoire malien, soumis à des dynamiques contrastées entre dégradation, résilience locale, et pressions climatiques. Il souligne la nécessité d’outils de suivi spatialisé pour appuyer les politiques d’adaptation, la gestion raisonnée des ressources, et la planification territoriale durable.
« Quand le sol se fissure, ce n’est pas seulement la terre qui se fragmente, c’est aussi l’équilibre entre l’homme, la nature et le temps. »
— Amadou Hampâté Bâ